Thèmes de recherche
Contacts: M. Marangolo (INSP) et L.B. Steren (CAB)
L’objectif de ce thème de recherche est d’étudier des matériaux visant l’intégration des semi-conducteurs (SC) dans des dispositifs qui exploitent la charge et le spin des porteurs. Les activités portent également sur l’étude de systèmes originaux en nanomagnétisme (hétérostructures, nanofils ferromagnétiques en matrice…) avec un intérêt particulier pour ceux permettant la manipulation de l’aimantation sans champ magnétique appliqué. Quelques thèmes actuellement en cours sont :
1) Nanostructures uniques
1a) Magnétisme et propriétés de transport électronique dans des nanostructures uniques
La demande de miniaturisation toujours plus importante des dispositifs électroniques exige un suivi très attentif des propriétés physiques des objets de toute petite taille. Leurs propriétés volumiques peuvent changer très fortement par les effets de taille et nous trouvons là encore que le couple contrainte/déformation appliqué à ces petits objets est d’importance capitale. L’intérêt d’étudier les propriétés physiques de systèmes nano-structurés est donc double. D’un point de vue technologique, l’optimisation des dispositifs nano-structurés repose sur une characterisation approfondie de leurs propriétés. D’autre part, il est très motivant d’un point de vue fondamental de découvrir et comprendre les effets liés à la taille, à la surface et aux discontinuités de bord sur les propriétés physiques des matériaux nano-structurés. Le comportement magnétique peut être fortement affecté en réduisant la taille ou en imposant des contraintes, avec des modifications importantes dans la nature de l’ordre magnétique, dans les anisotropies et dans les températures critiques. Le transport dans les systèmes magnétiques nano-structurés sera d’abord influencé par les modifications de la structure électronique, mais aussi par l’introduction de "frontières", puisque le libre parcours moyen et la longueur de diffusion de spin deviennent du même ordre de grandeur que la taille des échantillons.
Dans le cadre de cette ligne de recherche, nous proposons l’étude conjointe des propriétés magnétiques et électroniques de nanostructures uniques, à travers des études à l’échelle macroscopique (sondes moyennes), mais aussi au niveau nanométrique (sondes locales). En particulier, les propriétés magnétiques seront étudiées par magnétométrie (SQUID, MOKE), par microscopie à force magnétique (MFM) et par des techniques utilisant le rayonnement synchrotron polarisé (dichroïsme magnétique, diffusion X résonante et cohérente, imagerie PEEM). Nous pourrons ainsi explorer la dépendance en température et en champ de l’aimantation des nanostructures, leurs structures en domaines magnétiques, et éclaircir les mécanismes de renversement d’aimantation. Les propriétés magnétiques ainsi étudiées seront corrélées aux résultats des mesures de transport (magnétorésistance et effet Hall) conduites sur les mêmes objets.
Les thématiques évoquées ci-dessus sont au cœur de la thèse de doctorat de Federico Fernandez Baldis, Instituto Balseiro – INN, Argentina.
1b) Nanofils ferromagnétiques auto-assemblés
Nous avons démontré la possibilité de croître des nanofils ferromagnétiques de cobalt et de nickel dans une matrice oxyde isolante épitaxiée par ablation laser pulsée. La particularité unique de ces fils est leur très faible diamètre et une distribution de taille étroite, le plus petit diamètre atteint est d’environ 3 nm. Ceci constitue une étape importante sur la route menant à l’étude de nanofils uniques dans une gamme de dimensions largement inexplorée. Afin de progresser vers cette perspective à plus long terme, nous allons poursuivre nos études sur la croissance (INSP) et le nanomagnétisme de ces assemblées de fils. La compréhension de leurs propriétés magnétiques nécessite en effet des études poussées de l’anisotropie magnétique par résonance ferromagnétique (CAB) afin de corréler structure et magnétisme à l’échelle nanométrique. Les premiers objectifs à atteindre seront (i) contrôler le diamètre et la qualité structurale de nanofils de diamètre inférieur à 3 nm, (ii) analyser en détail l’anisotropie magnétique, ce qui nécessite également des simulations micromagnétiques qui seront menées en collaboration entre le CAB et l’INSP.
FIG. 3 Schéma d’une assemblée de nanofils de cobalt dans une matrice épitaxiale de CeO2/SrTiO3(001) obtenue par ablation laser pulsée. Images de microscopie électronique en transmission filtrées en énergie au seuil L du cobalt (cartographie chimique) en section transverse et vue plane.
1c) Transport dans des nano-objets ou molécules uniques avec spin
Les nanotechnologies permettent de contacter des objets nanométriques à des électrodes métalliques massives. Ces objets peuvent être définis à partir de systèmes de dimension 2 (hétérostructures AsGa, graphène), 1 (nanotubes de carbone, nanofils), ou 0 (molécule unique), et leur remplissage électronique peut être contrôlé à l’aide de grilles électrostatiques. Le spin de l’électron devient pertinent lorsque les interactions de Coulomb mal écrantées laissent les électrons passer un par un dans la nanostructure. Le transport mésoscopique dépendant du spin, particulièrement dans le régime non-linéaire, couvre un vaste spectre de phénomènes allant de très grande magnétorésistance (filtrage de spin) à l’effet Kondo. Dans le régime supraconducteur, les spins dans des jonctions Josephson nanométriques ont des conséquences macroscopiques comme des jonctions « π «. Dans ce projet nous nous appuyons sur les travaux antérieurs par les équipes participantes, pour examiner théoriquement le transport dans des jonctions plus complexes où de nouveaux phénomènes sont attendus. Un exemple est donné par des "trijonctions" contenant au moins trois (et non plus deux) électrodes de transport actives, et contenant des points quantiques. Le transport mésoscopique permet alors de révéler les propriétés quantiques du nanoobjet dû à la présence du spin, grâce aux propriétés originales au circuit macroscopique. Un autre axe majeur est le transport dépendant du spin dans le graphène, très spécifique de la structure électronique de ce matériau.
2) Couches minces
2a) Magnétostriction, anisotropie et manipulation magnétique dans le Galfenol
Le magnétisme des solides est un signe macroscopique de mécanismes quanto-relativistes : l’aimantation est déterminée par le moment orbital et le moment de spin de l’électron et sa direction est due au couplage spin-orbite et au champ électrique cristallin. Ces considérations suggèrent que les déformations élastiques constituent un outil de choix pour contrôler l’aimantation des nanomagnets. Cependant, les nouvelles technologies utilisent encore la méthode classique de l’application d’un champ magnétique externe, comme dans le cas des boussoles. Dans ce projet, nous proposons de comprendre l’origine de l’anisotropie magnétique et ensuite manipuler l’aimantation des couches minces d’un alliage à base de fer (Fe1-xGax, Galfenol), épitaxiées sur un substrat de semiconducteur ou d’oxyde. La manipulation sera faite par voie magnétostrictive sans utiliser aucun champ magnétique. Récemment, dans le cadre de la collaboration franco argentine nous avons montré que le Galfenol présente la même structure cubique centrée que le Fer et qu’il peut être épitaxié sur GaAs. Nous avons aussi démontré que l’insertion du Gallium dans la matrice de fer modifie fortement le champ d’anisotropie magnétique dans la matrice : renversement des axes faciles et difficiles, composante hors-plan de l’aimantation, auto-organisation en domaines « à bandes» sub micrométriques dont la direction peut être contrôlée à l’aide d’un faible champ magnétique externe. La forte magnétostriction du Galfenol est sûrement à l’origine de ces phénomènes inattendus.
Dans le cadre de la prolongation de l’action LIFAN, nous voulons mener une étude quantitative des grandeurs physiques pertinentes (anisotropie magnétique, couplage spin orbite, déformation épitaxiale, architecture de l’interface avec le substrat, etc..) afin de donner un modèle phénoménologique du magnétisme du Galfeno.l En parallèle, nous voulons conduire une étude de la réponse magnétique à une sollicitation élastique externe. Le fort coefficient magnétostrictif nous permettra de modifier le champ d’anisotropie magnétique à l’aide d’un piezoélectrique en contact avec le Galfenol et de contrôler ainsi l’aimantation de la couche mince sans utiliser aucun champ magnétique.
Les thématiques évoquées ci-dessus sont au cœur de la thèse de doctorat de Mariana Barturen, actuellement en co-tutelle entre l’Université de Cuyo et l’UPMC.
2b) Dynamique de parois magnétiques dans des couches minces et des microstructures magnétiques
La propagation de parois magnétiques dans des métaux ou semiconducteurs ferromagnétiques est source d’applications en spintronique, pour le stockage et le transport de l’information mais également un sujet d’intérêt fondamental. La dynamique de paroi sous champ magnétique ou sous courant est loin d’être bien comprise. A faible champ ou courant, la dynamique est contrôlée par l’existence de défauts qui piègent les parois magnétiques. Dans le régime de dépiégeage, la statistique des temps de dépiégeage fait l’objet d’études expérimentales et théoriques. A plus fort champ ou courant, on atteint le régime hydrodynamique. Dans ce régime intrinsèque les courbes de vitesse présentent des déviations aux modèles simples dont on commence seulement à comprendre l’origine. Pour des études de dynamique de paroi, les couches minces de MnAs possèdent plusieurs avantages. Tout d’abord, on peut faire croître MnAs sur le semiconducteur GaAs sous différentes orientations cristallographiques et, en conséquence, avec différentes anisotropies magnétiques. Ensuite, et c’est un point très important, au voisinage de la température ambiante, la nucléation de la phase β, non-ferromagnétique, à l’intérieur de la phase α ferromagnétique, permet de générer des pièges non-magnétiques de manière contrôlable et totalement réversible. Ces pièges se présentent sous forme de lamelles quasi-périodiques alignées suivant un axe cristallographique et dont la largeur, la longueur et l’espacement varient avec la température. Nos premières études en collaboration ont permis de mesurer pour la première fois la vitesse de parois magnétiques dans une couche de MnAs à l’aide d’un dispositif de microscopie Kerr couplé à une technique d’impulsions de champ. Elles montrent que ces pièges repoussent le champ de dépiégeage à de plus forte valeurs mais que de très grandes vitesses de parois, de l’ordre de 500 m/s, sont accessibles même en présence de la phase β (article en préparation).
Ces études pourront être développées suivant plusieurs axes. Il s’agira de mieux comprendre la dépendance de la vitesse avec la structure des défauts en mesurant la vitesse de paroi en fonction du champ à différentes températures dans la zone de coexistence des phases α et β et en caractérisant la structure des deux phases sur le même échantillon par microscopie à force magnétique. Il s’agira ensuite de fabriquer des pistes par lithographie, cette géométrie étant plus appropriée pour des applications et d’étudier la propagation dans les pistes, la question étant de savoir si la dynamique est modifiée. Enfin les différentes orientations cristallographiques de MnAs sur GaAs seront étudiées.
FIG. 2 Image STM de la surface de MnAs/GaAs(001) montrant la formation de rides. L’accumulation de marches est clairement visible.